Laura Waddington: La caméra clandestine

Mathilde BlottièreTélérama, 2006.

Par Mathilde Blottière and Laurent Rigoulet

A 35 ans, cette talentueuse mélangeuse anglaise transgresse codes et conventions pour faire naître d’autres images, sensibles et personnelles. Emblématique d’un mouvement qui puise sa créativité dans le télescopage de disciplines, Border son dernier court métrage produit en France concourt cette année dans la compétition nationale du festival du Clermont. Ce courant artistique gagnerait-il du terrain dans le champ du court ?

A mille lieues des reportages auxquels les journaux télé nous ont habitués. Border part sur les traces des réfugiés de Sangatte et croise sophistication formelle et information brute. En 2001 et 2002, avec une petite caméra DV, Laura Waddington a filmé de nuit les clandestins errant dans les champs et sur les routes aux alentours du camp. De ce tournage risqué aux fortes contraintes techniques, elle rapporte des images prises sur le vif, fragiles, déformées, granuleuses.

Au départ, la vidéo fut pour elle une manière de contourner des difficultés pratiques « A l’époque où je vivais à New York, j’avais rencontré des compositeurs d’électro qui enregistraient et distribuaient leur musique depuis leurs appartements. Je pensais que le cinéma allait évoluer dans le même sens et qu’avec une petite caméra, même si je n’arrivais pas à trouver des fonds, je pourrais continuer à tourner. » Avec la vidéo, elle dit avoir voulu «  désapprendre » les réflexes acquis avec la pellicule. En filmant « sans utiliser (ses) yeux » comme pour ZONE, en 1995, tourne à bord d’un bateau transatlantique avec une caméra DV cousue à l’intérieur de sa veste.

Deux ans plus tard, elle poursuivait son travail d’exploration avec The Lost Days, l’histoire d’une femme globe-trotter qui envoie des lettres vidéo a un ami new-yorkais. En fait, via Internet, la cinéaste demanda à quinze habitants de différents pays de filmer leur ville comme s’ils étaient la protagoniste.

Laura Waddington ne croit pas à une réalité objective et préfère mettre en scène une vision partielle, inachevée « comme une sorte de carnet de notes ». Ses embardées expérimentales aux frontières poreuses du documentaire et de la fiction titillent le spectateur en lui posant la question de la véracité du récit « J’ai toujours considéré le court métrage comme une forme à part entière, et non, comme cela me semble être souvent le cas en France, comme une carte de visite pour le long métrage. 

“Laura Waddington: La caméra clandestine” par Mathilde Blottière et Laurent Rigoulet Télérama, Paris, 4 février 2006, No 2925